PARTIE UNE
Dawson dévalait Lantern Street en criant : « Crawley ! Harrow ! Pamuk ! Burns ! Lieutenant Lister ! Cerbères ! »
Il trébucha sur un mendiant cul-de-jatte agrippant à une paire de blocs de bois pour marcher sur les mains. L’homme tomba sur ses moignons. Jurant, il secoua un bloc boueux après Dawson. « Regarde où tu vas, espèce de bon à rien- »
« Désolé ! » Dawson sortit quelques piécettes de son sac et les jeta par-dessus son épaule. Elles tombèrent dans une flaque d’eau à côté du mendiant.
« Ça me dérangerait pas de les empocher ? » grommela l’homme. Il se planta à côté de la flaque pour en extraire les pièces.
Dawson continua à courir, criant en direction des balcons du deuxième étage : Cerbères ! Lieutenant Lister ! Caporal Pamuk ! »
Dawson tenta de s’écarter de la trajectoire d’une vendeuse trollkin, mais son épaule fait tomber deux des poulets rôtis suspendus au bâton de son épaule. Ils s’écrasèrent sur rue boueuse. « Désolé ! »
« Quatre poids d’argent ». La trollkin tendit une main de la taille d’une pelle. Par-dessus son menton bleu, elle fixait Dawson, qui mesurait 5 centimètres de mois qu’un mètre quatre-vingts et paraissait plus petit qu’elle.
Cette fois, Dawson s’arrêta en retirant la somme de son sac. Il plaça les pièces dans la main caillouteuse de la trollkin avant de reprendre sa recherche.
« Gaspillage de nourriture parfaitement bonne », grommela la trollkin. Avant qu’elle ne puisse se pencher pour récupérer les poulets tombés au sol, le mendiant en avait calé un entre son menton et sa poitrine et s’éloigna à grands pas sur ses blocs.
« Crawley ! Harrow ! Pamuk ! Burns ! Lieutenant Lister ! Cerbères ! N’importe qui ? »
« Chéri, tu cherches Lisse Pamuk ? » Une courtisane se penchait sur la balustrade de son balcon. Deux lanterne éponymes de la rue brillait à chaque extrémité de la balustrade, annonçant sa disponibilité.
« Savez-vous où je peux le trouver ? »
« Cela dépend », dit-elle. « Tu sais payer sa notre ? »
Dawson pesa son sac d’une main. « Combien ? »
« Vingt-six royals ».
« Vingt-six ?! »
Elle haussa les épaules et se détourna, faisant signe à un homme de l’autre côté de la rue.
« Attendez ! Attendez ! J’arrive tout de suite ».
Dawson fit irruption dans le salon de la maison close, évitant une femme peu vêtue montée sur le dos d’un client jouant le rôle d’un âne. L’homme se cabra et braya sur Dawson alors qu’il passait devant lui.
« Désolé ! Désolé ! »
La maquerelle trop maquillée leva les yeux de derrière un comptoir sur lequel elle comptait des jetons colorés, chacun peint avec une variation différente sur un thème commun de deux – parfois trois, ou plus – corps enchevêtrés. À la vue de Dawson, elle posa un chiffon sur les jetons et souris. Ses chaussures claquèrent sur le sol alors qu’elle contournait le comptoir.
« Si pressé, jeune homme ? Asseyez-vous et dites-moi exactement ce que vous aviez en tête- » Elle repéra l’emblème peint sur son épaulière. « Cerbères ! J’avais l’intention d’avoir un mot avec votre sergent au sujet de l’exceptionnel Lisse — Où pensez-vous aller ? »
« Désolé ! » Dawson contourna la maquerelle et s’élança dans les escaliers. La courtisane qu’il avait aperçue dans la rue l’attendait dans le couloir, la paume ouverte.
Dawson compta vingt-six pièces d’or dans sa main. Ses sourcils se haussèrent de surprise, mais elle désigna le couloir vers la grande suite. Dawson enleva une casquette invisible et dit : « Merci beaucoup ».
Il courut dans le couloir et franchit la double porte de la suite. À l’intérieur, le Caporal Pamuk était assis dans une baignoire fumante. Le corps de l’homme brun était une masse de muscles, presque trop pour la baignoire, mais une jolie jeune femme était assise derrière lui dans l’eau. Elle passait un rasoir argenté sur son cuir chevelu. À la soudaine arrivée de Dawson, elle leva les yeux. Pamuk siffla. Une tache de sang apparut sur la lame brillante.
« Bon sang, soldat ! » dit Pamuk en touchant la blessure. Il goûta le sang et se renfrogna. « Tu as intérêt à avoir une sacrée bonne - »
« Réunion d’urgence, monsieur », déclara Dawson. « Le capitaine a dit : Allez chercher tous les garçons, vite ».
« Mais nous n’avons pas- »
« Elle a un contrat, caporal. Un travail rémunéré ».
« Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le début ? Et ne m’appelle ‘caporal’. C’est Lisse ».
Sa coiffeuse caressa son crâne rasé et dit : « C’est certainement le cas ».
Lisse se leva, éclaboussant la prostituée avec l’eau du bain. Il mesurait bien vingt centimètres de plus que Dawson. Apparemment, sa tête était la dernière partie de son corps à avoir été rasée.
« Ne reste pas planté là, soldat- »
« Dawson, monsieur ! J’ai signé la semaine dernière ».
« C’est très bien, Dawson. Maintenant, donne-moi cette serviette ».
Dawson s’exécuta. Lorsqu’il remarqua la femme le fixer depuis la baignoire, il alla lui en chercher une autre pendant que Lisse enfilait son équipement : un pantalon en cuir épais, de grosses botte, des épaulières en acier, des protège-coudes et des genouillères. Enfin, il s’empara de sa veste en cuir. Sur son dos était peint un féroce chien cornu, emblème de la Compagnie Cerbère.
La jeune femme essuya soigneusement le rasoir sur une serviette avant de le tendre à Lisse. Il lui donna un baiser et glissa le rasoir dans une poche de sa veste. « Merci poupée ».
Dawson se tourna pour sortir par la porte de la suite.
« Pas par là », dit Lisse. « C’est le moment de faire les comptes ».
Le claquement d’un pas rapide se fit entendre dans le couloir. Dawson grimaça en reconnaissant le bruit des chaussures à semelle rigide de madame. Il jeta un coup d’oeil par la porte pour la voir s’approcher, les épaules carrées, le menton rentré, prête au combat.
« Tout va bien », dit Dawson, « j’ai payé votre note ».
« Tu as apporté un jeton ? »
« Quoi ? Non bien sûr que non ».
« Alors, je t’assure que tu n’as pas payé ma notre ». Lisse referma la porte de la suite. Après un moment de réflexion, il poussa une vanité devais eux.
« Lisse ! » Beugla la dame. Elle frappa la porte de la suite avec la force d’un berserker ogrun, faisant trembler le miroir de la vanité. « Je sais que vous êtes là ».
Lisse et Dawson passèrent par-dessus le rebord de la fenêtre, se glissèrent sur l’avant-toit et se laissèrent tomber dans la rue.
« Où sont les autres ? » Demanda Lisse.
« J’espérais que vous pourriez me le dire, caporal », répondit Dawson. « Je veux dire, Lisse ». Lisse le fixa et secoua la tête. « Pourquoi le capitaine t’a envoyé, alors ? » demanda-t-il. « Très bien, suis-moi ».
Ils descendirent la Rue de la Lanterne jusqu’au Marché de la Rouille, quelques rues plus loin. La fraîcheur des ombres commençaient à s’accumuler aux pieds des bâtiments. Des nuages voilaient le soleil couchant.
« Flippant ! » cria Lisse.
Le Sergent Crawley leva les yeux d’une table pleine de pistons. Ses lunettes pendaient autour de son cou maigre. Le bout de son bonnet tombait mollement sur ses épaules. Il reporta son attention sur un piston de warjack, l’une des nombreuses pièces récupérées disposées sur des tables abîmées sous la tente du marchand. « Qu’est-ce que tu veux, Lisse ? »
« Le Capitaine MacHorne veut que les garçons rentrent rapidement », déclara Dawson.
Crawley leva les yeux, comme s’il remarquait Dawson pour la première fois. « Tu as de l’argent ? »
« Plus grand-chose », répondit Dawson en secouant le sac. « Mais le capitaine a un nouveau contrat ».
« Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le départ ? » Crawley repoussa le piston sur la table.
« C’est ce que je lui ai dit », déclara Lisse.
« Je ferais mieux d’aller chercher le lieutenant », dit Crawley. « Il est quelque part dans le coin, en train d’engueuler le patron d’un bazar.
Les trois hommes passèrent encore deux coins au milieu de l’ensemble déroutant d’étals de bric-à-brac du marché avant d’entendre la preuve de la déclaration de Crawley.
Sur une plate-forme en bois, deux grands hommes se tenaient nez à nez, chacun essayant d’assommer l’autre avec des mots avec des mots durs lancé d’une voix forte. Derrière eux se tenaient deux rangées de warjacks déclassés recouverts de bâches. Chaque géant d’acier était enchaîné à d’énormes ancres de pierre enfoncées dans le sol. À proximité, un panneau en fer rouillé indiquait : « Achat & Vente ».
Lisse et Crawley grimacèrent face à la querelle et se regardèrent avant de se tourner vers Dawson.
« Passe ton message, Dawson », déclara Lisse.
Dawson déglutit avant de se rapprocher des belligérants. « Lieutenant Lister, Monsieur ! »
L’homme chauve et à la barbe noire continuait de jurer à la face du marchand de ‘jack à la barbe rousse. Un gros cigare éteint dansait à chaque syllabe, menaçant de chatouiller le nez du vendeur. « Je n’ai jamais accepté une majoration de trente-cinq pour cent sur le rachat ! »
« Si vous tardez, les prix grimpent ! », beugla le marchand. « Ce n’est pas de ma faute si vous, les cerbères, ne pouvez pas payer vos factures ».
« Vous ne savez rien des vicissitudes du mercenariat, petit ramasseur de ferraille crasseux ».
« Lieutenant, Monsieur ! »
« Calme-toi, soldat. Tu ne vois pas que je suis au milieu d’une délicate négociation ? »
« Ordres du capitaine, Monsieur ! Regroupement rapide, Monsieur. JOB, Monsieur ! »
Lister fit volte-face, tournant le dos au vendeur, qui fit un geste vulgaire sous le menton.
« Eh bien, pourquoi ne l’as-tu pas dit en premier lieu ? » Il sauta de la plate-forme, s’éclaboussant de boue ainsi que les autres cerbères. « Qui manque à l’appel ? »
« Harrow et Burns, Monsieur ! »
Lister fit un vague signe de la main au-delà du Marché de la Rouille, vers une rangée de boutiques. « Harrow est là-bas, quelque part ».
Ils se séparèrent pour scruter les devantures jusqu’à ce que le Sergent Crawley fasse retentir son sifflet de signalisation. Ainsi appelés, ils s’entassèrent dans une boutique sous l’enseigne d’une paire de pistolet.
À l’intérieur, un homme au visage dur se tenait en face du propriétaire et examinait l’intérieur du canon d’un nouveau gros flingue. Ses yeux et ses cheveux courts étaient à la couleur de l’acier nouveau. Entre lui et l’armurier se trouvait un plateau de jeu dont la plupart des pièces avaient été mises de côté, capturées.
Dawson fit un pas en avant. Harrow se retourna et le paralysa d’un regard. Dawson recula pour se placer à côté de Crawley. « Si cela ne vous dérange pas, sergent, peut-être pourriez-vous être celui qui le dira au caporal- »
« Harrow, boulot ! » aboya le Lieutenant Lister.
Harrow posa son arme et s’éloigna sans prononcer un mot à son adversaire.
Alors que les hommes quittaient la boutique, Lisse frappa Dawson à l’épaule, juste assez fort pour laisser une ecchymose. « Tu vois, C’est la façon de faire ».
« Maintenant, où est Burns ? » demanda Crawley.
« Où d’autre ? » dit Harrow. Sa voix était le bruit d’un obus chargé dans une chambre.
« Il y en a un », déclara Lisse. Il fit un signe de tête en direction d’une taverne à l’enseigne d’un cochon sifflant sous les jupes d’une dame effrayée. « Je crois que j’entends sa voix ».
Ils passèrent devant une statue de Madruva Dagra. Des flammes de gaz s’échappaient de chacune des paumes en coupe. Un trio de corbeaux humides étaient perchés sur ses bras, les yeux scrutant la rue à la recherche de nourriture.
Alors qu’ils s’approchaient du Cochon Sifflant, les hommes entendirent l’interprétation de Burns, de « Blue Rose in Winter ». Le grand homme était assis sur le rebord de la fenêtre, ses cheveux blonds bouclés rejetés en arrière tandis qu’il entonnait la chanson. Ses bras étaient aussi épais et durs que ceux de Lisse. Un public d’ouvriers d’usine frappaient leurs chopes sur les tables en rythme avec sa chanson.
« Euh, oh », dit Crawley, sa voix fluette se brisant. « Il interprète sa version spéciale ».
« C’est bien », dit Lisse. « Ce n’est pas comme s nous étions près de la frontière khadoréenne ».
« Dis-le à ces types ». Crawley pointa du doigt la taverne bondée.
Des mercenaires aux longues moustaches étaient accoudés au bar. Leurs insignes avaient été arrachées depuis longtemps, mais leurs longs manteaux étaient incontestablement khadoréens. À proximité, quatre autres khadoréens costauds étaient assis à une table, ne buvant pas leurs bières. Leurs mines renfrognées s’accentuaient à mesure qu’ils écoutaient les paroles révisées de Burns. Dans sa version de la chanson, l’amant de la princesse était un habile rétameur ogrun.
Lorsque Burns en vint à la partie où la princesse avoue son amour dans un couplet de rime obscènes, les mains des étrangers se portèrent à la poignée de leurs épées. Alors qu’ils s’avançaient vers Burns, leurs compatriotes se levèrent de table pour les soutenir.
« Sortez-le delà », déclara Lister.
« Oui, Monsieur ! » répondit Dawson. Il courut après le Sergent Crawley, qui se frayait déjà un chemin à travers la porte bondée. Désireux d’assister à une bagarre, les clients ne firent aucun effort pour s’écarter de son chemin.
Burns semblait inconscient à la fois des mercenaires qui s’approchaient et des cris de ses compagnons Cerbères. Alors que l’un des khadoréens dégainait son épée, Burns attrapa son casque d’acier et le balança avec force. L’homme tomba en arrière, serrant son nez qui ressemblait maintenant à une fraise écrasée.
La main de son partenaire quitta son épée et sortit un pistolet de l’intérieur de son manteau. Alors qu’il braquait l’arme sur le visage du chanteur, Burns balança à nouveau son casque. Le pistolet fit feu. Un ricochet frappa le casque et fit exploser un morceau de pierre de l’âtre avant de faire voler en éclats de bouteilles derrière le bar.
« Pas de pistolets ! » cria le barman avant de plonger à l’abri.
Burns donna un coup de tête au deuxième khadoréen, faisant du nez de l’homme un équivalent de celui de son compagnon.
Les clients applaudirent. Certains se levèrent pour attraper les gardes du corps des khadoréens. D’autres portaient des coups de poing à des cibles aléatoires.
« Tiens-toi loin de ma fille ! » cria quelqu’un avant de frapper l’homme à côté de lui.
« Tu ne paies jamais une tournée ! » Un autre homme sauta d’une table pour étrangler son compagnon de beuverie.
« Je ne te connais même pas ! » Un homme costaud donna un coup de poing dans le ventre à un étranger et regarda autour de lui en souriant, à la recherche d’un autre adversaire.
La taverne explosa en une bagarre générale lorsque les clients virent l’occasion de régler des querelles latentes ou simplement de se défouler après une journée de travail dans les moulins.
Lise bondit par la fenêtre ouverte derrière Burns. Il enroula ses bras massifs autour de la taille de Burns et le tira en arrière. « Nous n’avons pas le temps pour ça ».
« Qu’est-ce que tu fais, Lisse ? » beugla Burns. Il passa un doigt dans le trou de balle de son casque et fronça les sourcils de chagrin.
Lisse grimaça sous l’effet de l’haleine de bière. « Nous te sortons d’ici ».
« Boulot, caporal ! » cria Dawson, essayant de se frayer un chemin vers l’extérieur de la taverne. « Le capitaine à un boulot ».
« Oh, d’accord »,répondit Burns. Lorsque Lisse le relâcha, il se retourna vers la bagarre. « Je veux apporter un dernier point ».
Alors que les belligérants khadoréens se redressaient sur leurs pieds, Burns balança son casque dans un large arc horizontal, les faisant tomber tous les deux d’un seul coup.
Crawley souffla un puissant coup de sifflet de son sifflet de signalisation en cuivre. « Cerbères, dehors maintenant ! »
« Eh bien, merde », dit Burns. « Je ne faisais que m’échauffer. Serrant son casque cabossé, il s’empara de la chope d’un étranger et suivit Lisse par la fenêtre de la taverne.
« C’est ma bière », hurla l’homme en tenant son adversaire inconscient par le col.
Le tavernier se fraya un chemin à travers la foule de ses clients. « Vous n’irez nulle part tant que vous n’aurez pas payé les tournées que vous avez achetées ».
« Combien cette fois ? » demanda Crawley.
Burns s’arrêta pour roter. « Deux ou trois, peut-être ».
« Neuf ! » cria le tenancier de la taverne. « Vous, les Cerbères, vous me devez nonante six royal, sans parler des dommages ! »
« Ça pique ! » dit le lieutenant Lister. « Courez, Cerbères ! ».
« Restez groupé », cria Crawley. « Ouvre la voie, Dawson ».
Ils se frayèrent un chemin hors du quartier du marché et coururent vers le Fleuve de la Langue du Dragon. Un khadoréen au nez ensanglanté les poursuivit deux de ses hommes derrière lui. Quelques rues plus loin, les sifflets et les cris de la Garde de Tarna se joignirent à la chasse.
S’éloignant de la promenade fluviale, Dawson se précipita dans les tortueuses ruelles de la Rue des Moulins, espérant semer ses poursuivants dans les vapeurs de charbon et de teinture. L’eau de javel lui piquait les yeux, et le cliquetis mékanique des métiers à tisser actionnés à vapeurs submergeait les cris de leurs poursuivants.
Les Cerbères émergèrent dégoulinant et noircis par la suie, mais personnes les avait suivis hors du passage rempli de vapeur. Le ciel s’était assombri. Une brise fraîche soufflait sur Tarna depuis la Langue du Dragon.
Dawson ouvrait la voie vers l’entrepôt loué par la compagnie. À côté de la massive porte, l’un des hommes avait dessiné à la craie l’emblème du chien cornu de la compagnie. Une bruine de pluie provoquait un crépitement sur le toit en tôle du bâtiment.
« Bon travail, Dawson », déclara Crawley.
Dawson se tint plus droit jusqu’à ce que Burns ajoute : « Ouais, nous saurons qui taper la prochaine fois que nous devrons fuir un combat ».
« Harrow fit glisser la porte et les autres entrèrent. Dawson voulu les suivre, mais Crawley lui barra la route. « Désolé, Dawson. Le briefing est réservé au ‘garçons’. Va rejoindre les reste des hommes. J’expliquerais tout lors du deuxième briefing ».
Dawson ne savait pas ce qu’il fallait faire pour devenir l’un des ‘garçons’, mais il était évident que cela n’incluait pas les fantassins comme lui.
« Mais je… » Les épaules de Dawson s’affaissèrent. « Oui, sergent ».
Crawley lui adressa un sourire, mais ses dents tachées étaient plus effrayantes que réconfortantes. Il referma la porte.
* * *
Le Capitaine Samantha ‘Sam’ MacHorne se tenait sur un échafaudage en bois, un pied posé sur une caisse portant l’inscription « Graisse pour Engrenages de Qualité n°4 ». Appuyant un coude sur son genou, elle regardait ses hommes, les vétérans de la compagnie de mercenaire Cerbère. Ses longs cheveux blonds tombaient négligemment sur son visage, sauf là où les lunettes qu’elle portait sur son front les empêchaient les maintenaient hors de ses yeux.
Derrière elle se profilait le warjack Gulliver, un modèle Nomade de trois mètres soixante de haut et sept tonnes de destruction à vapeur. Son châssis en fer ressemblait à une caricature musclée d’un fantassin en armure. Au lieu de fragiles articulations et ligaments humains, il reposait sur des lourds engrenages et des pistons suffisamment solides pour faire avancer un bateau fluvial. Son énorme espadon et sa solide targe étaient posés contre le mur de l’entrepôt.
« Le vieil homme a un travail pour nous », dit-elle. « C’est potentiellement lucratif ».
« Il était temps », déclara Lister. Le lieutenant était assis au bord d’un autre échafaudage, se grattant sa tête chauve juste à côté d’un tatouage de Cerbère. Derrière lui se tenait l’autre warjacks opérationnel, un Rapace nommé Foyle. Un mètre plus petit et deux fois moins lourd que le Nomade, le Rapace tenait une énorme lance paralysante dans une main et un large bouclier dans l’autre. « Je commençais à croire qu’il ne nous aimait plus ».
« Ce n’est pas ça », répondit Sam. « Tu sais qu’il aime faire correspondre l’unité au job ».
Le reste des Cerbères était assis en demi-cercle grossier sur des caisses et des demi-tonneaux. Ils se penchèrent en avant, observant leur capitaine. Seul Harrow ne semblait pas intéressé. Les yeux fermés, il était assis par terre, les bras croisés, le dos appuyé contre une table chargée de lourds filets de chaînes et de pioches.
« Donc, il a besoin qu’on lui démolisse quelques ‘jacks », dit Crawley.
« Pas exactement ».
« Nous rejoignons les Cygnes ? » demanda Lisse.
« Non, nous sommes seuls. Le vieux dirige sa propre opération dans les environs. Entre les unités khadoréennes qui testent les frontières et le Cryx se faufilant à travers chaque marais et vallon, il a du pain sur la planche ».
« Cryx ». Crawley frémit en prononçant le mot.
« Alors, lequel est-ce cette fois-ci ? » demanda Burns, étouffant un rôt avec son poing. « Rouges ou morts ».
« Cela pourrait être les deux », déclara Sam. « Plus probablement aucun des deux. Ce que nous cherchons, c’est quelque chose de nouveau. Le vieux a entendu parler d’un étrange ‘jack dans l’Octelande.
« Oh, non », déclara Burns. « Il nous envoie à la chasse aux gobber ».
« Arrête, Burns », dit Crawley. « Si près de la frontière, se serait plutôt quelqu’un testant une nouvelle technologie cygnaréenne ? »
« Une nouvelle technologie que le Vieux ne connaît pas déjà à fond ? » répondit Sam. « Je n’y crois pas. Peut-être quelqu’un d’autre a mis la main sur les schémas de Cygnar et y a apporté quelques modifications ».
« Et maintenant, ils sont prêts à tester ce nouveau ‘jack sur ses propres créateurs. C’est ça ? »
Lisse passa ses doigts sur sa tête, fronçant les sourcils lorsqu’il toucha les poils de son rasage inachevé.
« C’est possible, mais ça n’a pas d’importance. Notre travail consiste à aller là-bas, à trouver cette chose et à la ramener. Le Vieux pourra décider lui-même de quoi il s’agit ».
« Remarquable », dit Burns. « Nous ne savons pas ce qu’il fait ni qui le contrôle, mais nous devons le trouver et le ramener. Et nous, avec la plupart de nos affaires misent au clou ! Cela ne me dérange pas si c’est une chasse au gobber. J’espère juste que ce n’est pas une chasse au dragon ».
« Qu’est-ce qui te fait peur, Burns ? » demanda Lisse. « Tu es toujours à l’épreuve des balles, n’est-ce pas ? »
Burns passa un doigt dans un trou de son casque. « Plus autant que je l’étais. Comment sommes-nous censés faire notre travail avec des trou dans nos casques ? »
« Si nous réussissons ce job, Burns », dit Sam, « tu auras assez pour acheter dix nouvelles armures, toutes de couleurs différentes ».
« Burns s’illumina. « Oui’s », répondit-il intelligemment. Dans toute autre compagnie, cela n’aurait été qu’une reconnaissance légèrement informelle de son rang. Mais au sein de la Compagnie Cerbère
sa compagnie, c’était aussi une contraction de « Oui, Sam ». Pour elle, et ses hommes qui l’utilisaient, cela signifiait plus que « Oui, m’dame » ne pourrait jamais le faire.
« Quelle est la structure du contrat ? » demanda Lister.
« Tarif de base pour notre temps, avec un bonus pour la livraison », déclara Sam.
Les Cerbères marmonnèrent.
« Un bonus très conséquent. Maintenant, écoutez, nous n’allons pas là-bas pour nous dégourdir les jambes et cueillir des champignons. Mon but est de trouver ce nouveau ‘jack et de le livrer. Si nous touchons cette prime, nous serons tous à l’abri, plus du nouvel équipement. Et les parts seront plus que suffisantes pour acheter à Burns sa nouvelle garde-robe et pour sortir Lisse de ses ennuis avec Madame Jinty ».
Lisse jeta un regard noir dans la salle. Les autres évitèrent son regard ou haussèrent les épaules face à son accusation tacite.
« Où sommes-nous censés l’emmener ? On ne peut pas transporter un ‘jack jusqu’à Caspia, même sur ces plates-formes ». Lister frappa le côté de l’un des trois chariots ferrés garés dans l’entrepôt. La plate-forme trembla sur sa suspension à ressorts.
« Je sais où envoyer un messager lorsque nous aurons repéré notre cible », dit Sam. Elle sauta de la plate-forme, se retournant pour révéler une jolie version chiot du symbole des Cerbères peinte au dos de sa veste en cuir. « Comme je l’ai dit, le Vieux n’est pas loin. Nous organiserons le transfert en fonction de l’endroit où nous trouverons notre cible. C’est tout pour les questions ? »
Comme personne ne prit la parole pendant une demi-seconde, Lister dit : « Oui’s ».
Les garçons saluèrent avec plus ou moins d’enthousiasme. Harrow le fit sans ouvrir les yeux.
« Alors nous sommes prêts à partir ». Sam fit un signe de tête à Foyle et désigna Gulliver d’un geste du pouce par-dessus son épaule. « Crawley, je veux que ces grands gaillards soient chargés avec deux semaines de carburant et de provisions. Briefez les hommes et mettez-les au travail avant qu’ils n’aient le temps de s’enivrer. Nous fêterons cela après avoir touché notre prime. Nous partons demain à la première heure ».
« Oui’s ! » Crawley envoya les caporaux rassembler les troupes, les mékaniciens, et les pilotes.
Lister ajouta : « Et les ingénieurs ? »
« Nous pouvons nous en permettre deux », répondit Sam. « Et j’aurais besoin que tu t’occupes de la logistique par toi-même ».
Lister acquiesça. Son éternel cigare éteint à la bouche plongea alors qu’il considérait le travail qui l’attendait.
« Ce sera plus facile la prochaine fois », promis Sam. « Après avoir rempli le grand livre ».
« Je sais, capitaine. Ce n’est pas de votre faute. Nous n’avons pas eu de chance, c’est tout ».
« Ce n’est peut-être pas ma faute », répondit-elle. « Mais c’est ma responsabilité. Celui va nous remettre devant la scène. Je le sais ».
Lisse, Burns et Harrow sortirent sous la pluie. Le porte de l’entrepôt gémit lorsque Burns la referma.
« Je vais chercher les mékaniciens », déclara Burns. « Je les ai vus au Marché de la Rouille ».
« Non », dit Lisse. « Il vaut mieux que personne ne remarque ton visage près du marché pendant un moment. Je vais les chercher. Tu secoues les pilotes. Harrow ? Tu l’expliques aux hommes ? »
Harrow acquiesça. Lisse retourna vers le centre de Tarna, tandis que les autres se déplaçaient dans l’autre sens.
Au coin de l’entrepôt, Harrow s’arrêta près d’une pile de caisses vides. Il se racla la gorge. Penaud, Dawson sorti de sa cachette.
« J’étais juste- » Quoi que Dawson s’apprêtait à dire, le regard de Harrow lui bloqua les mots dans la gorge.
Harrow s’approcha pour examiner un trou dans le mur de l’entrepôt. L’ouverture offrait une vue dégagée sur les warjacks, les chariots et le Capitaine MacHorne.
« Ça ne s’annonce pas très bien pour toi, petit », dit Burns. Il attrapa Dawson et le poussa contre le mur. Les pieds de Dawson pendaient à quelques centimètres du sol. « Quel genre d’homme espionne nos briefings ? Je pense à une compagnie rivale ou à un espion khadoréen. Lequel est-ce ? »
« Aucun ! » Dit Dawson. « J’étais juste curieux ».
« La curiosité a écorché le chat », déclara Burns. « Ou quelque chose comme ça ». Il jeta un coup d’oeil à Harrow, qui étudia le visage de Dawson à travers les yeux fendus. « Qu’en penses-tu, Harrow ? Nous, les Cerbères, avons-nous un chat ou un rat ? »
Harrow secoua la tête. « Amenez-le » dit-il à Burns avant de s’éloigner.
Burns entraîna Dawson par le bras. Devant eux, la pluie dessinait les silhouettes des bâtiments. Leurs toits en pointe se teintaient de bleu-gris dans le crépuscule.
Dawson essayait de garder ses pieds alignés alors qu’ils se déplaçaient dans la boue. « Où allons-nous ? Le Sergent Crawley va me manquer au briefing ».
« Le vieux Flippant n’aime pas être dérangé par les détails du nettoyage ». répondit Burns.
« Caporal Burns, je ne suis pas un rat ! »
Au bout de la rue, Harrow tourna vers une rangée de pensions et d’auberges bon marché. À l’autre bout se trouvait l’immense écurie où les conducteurs des Cerbères gardaient les chevaux de trait nécessaire au transport des warjacks et la réserve apparemment inépuisable de charbon nécessaire pour les alimenter. Harrow s’adressa à deux conducteurs fumant leur pipe sous l’avant-toit de l’écurie. L’un d’eux hocha la tête et se précipita à l’intérieur de la pension.
Burns poussa Dawson sous le surplomb et s’appuya contre le mur à côté de lui. « Détends-toi, chiot. Les espions sont entraînés à ne pas se pisser dessus sous la pression. Tu n’es manifestement pas un espion ».
« Je n’ai pas pissé- » Dawson se ravisa et prononça « Merci ».
Burns étira son cou. Ils restèrent là pendant un moment alors que le crépitement de la pluie s’amplifiait. Bientôt, le bruit d’un pas descendant les escaliers de la pension s’y ajouta.
« Caporal, qu’est-ce qu’une chasse au gobber ? » demanda Dawson.
« Tu sais ce qu’est une chasse au gobber ? »
« C’est quand tes amis t’envoient chercher quelque chose qui n’existe pas pour rire. Tu as beau chercher, tu ne le trouves pas ».
« Quelque chose me dit que tu as eu une expérience de première main ».
« C’était il y a des années. Je n’étais qu’un enfant ».
« Tu es toujours un enfant, Dawson. Tu devrais espérer que ce n’est qu’une chasse au gobber. Lors d’une chasse au dragon, la différence est que tu trouves ce que tu cherches, d’accord », dit Burns. « Ensuite, tu regrettes de l’avoir fait ».
* * *
Les Cerbères passèrent la première moitié de la journée à charger et à conduire les trois grands chariots jusqu’au Fleuve Molhado. Ils passèrent la seconde à le traverser.
Le Rapace, Foyle, traversa sans incident, une garde d’honneur de huit Cerbères escortant sa silhouette allonge sur le ferry. Sous le contrôle du Sergent Crawley, et avec l’aide des conducteurs, deux mékaniciens et deux ingénieurs à lunettes, ils hissèrent le warjacks sur le chariot renforcé de fer ayant effectué la première traversée. Au signal du conducteur, six lourds chevaux de trait éloignèrent le chariot de la berge.
Le soldat Dawson observa la procédure tandis que le ferry revenait du côté de Tarna. À côté de lui, le Caporal Burns se penchait sur une barre d’attelage et cracha un glaviot de tabac brun sur le sol. « Si tu étais encore un bleu, tu devrais attraper du poil au menton maintenant ».
Les joues de Dawson rougirent de colère.
« Je ne te traite pas de couillon, petit. Tu es encore un bleu. Tu vas grandir et attraper de la bouteille. Tu comprends. Quoi qu’il en soit, c’était très courageux d’espionner le briefing du capitaine ».
Un sourire soulagé se dessina sur le visage glabre de Dawson.
« Stupide », déclara Burns. « Mais courageux tout de même. As-tu remarqué à quel point Harrow semblait furieux ? »
« Non », dit Dawson. « Il n’avait pas l’air en colère du tout ».
« C’est comme cela que tu sais qu’il est en vraiment en colère. Je suis surpris qu’il ne t’ait pas tranché la gorge sur le champ ».
Dawson déglutit. « Oui, caporal ».
« Si tu recommences sans y être invité, je m’occuperai de ton cas en personne. Tu attends avec le reste des hommes, ou un jour quelqu’un te prendra vraiment pour un informateur khadoréen ».
Le visage de Dawson jaunit et verdit. « Oui, caporal. Je veux dire, non, caporal ».
Burns gloussa. « Quel âge as-tu, petit. Dix-sept ? »
« Vingt ! »
« Avec ce visage imberbe ? Ou tu es sorti en cachette avec Lucille ? »
« Qui ? »
« La copine de Lisse ».
« Je n’avais jamais mis les pieds au bordel avant- »
« Le rasoir, mon chiot ».
Dawson grimaça au terme dédaigneux utilisé pour désigner les bleus de Compagnie Cerbère. « Oh, d’accord ». Au moment où l’agacement se dissipait de son visage, un nuage de perplexité s’installait à nouveau. « Il a nommé son rasoir Lucille ? »
« Il adore cette lame. Les chiots que Harrow ne tue pas pour avoir espionné, Lisse leur tranche le gosier pour avoir regardé Lucille de travers ».
Dawson sourit, détourna le regard, essaya de rire mais n’y parvint pas. Il déglutit difficilement et regarda à nouveau Burns. « Vous plaisantez, n’est-ce pas ? »
Burns haussa les épaules. « Je sais que je ne toucherais pas à ce rasoir si ma vie en dépendait Quoi qu’il en soit, c’est ta première traversée, n’est-ce pas ? »
« Ouaip », répondit Dawson. En regardant une seconde fois Burns, il ajouta : « Oui, Caporal ».
Burns gloussa à nouveau. Il recula pour regarder Dawson des pieds à la tête, secouant la tête.
Dawson demanda : « Pourquoi n’avons-nous pas envoyé les warjacks sur leurs chariots ? »
« Tu n’as pas compris ? »
« Je vous ai dit que c’est ma première traversée, n’est-ce pas ? »
« Tu l’as dit », répondit Burns. Il inclina la tête en direction du ferry approchant. « Tu le remarqueras par toi-même bien assez tôt. Très bien, allons-y. Tu te tiendras là-bas ».
Dawson se dirigea vers l’endroit indiqué par Burns, à environ trois mètres de l’endroit où le ferry s’était amarré à la berge.
« Non », dit Burns. « Un peu plus à droite ».
Dawson se rapprocha de quelques pas du rivage.
Sur le chemin menant au quai, Sam guidait Gulliver vers le ferry. À chaque pas du warjack lourd, la terre tremblait. Il laissait dans son sillage une traînée de mottes de terre de la taille d’un chien de chasse. « Un peu à gauche », dit-elle. « Très bien, accroupis-toi. Avance, prudemment ».
Alors que Gully s’appuyait de tout son poids sur le pont, le ferry bascula sue le côté, éclaboussant le passeur. Il arracha son bonnet trempé de sa tête et l’essora.
« Gully, monte », dit Sam.
Gully posa son autre pied sur le ferry. Le mouvement soudain projeta une vague de la taille d’un ogrun juste à l’endroit où se tenait Dawson, le trempant de la tête aux pieds.
Une fois que Sam eut fini de guider Gully en position assise sur le ferry, elle secoua la tête en direction de Burns, qui s’était allongé sur le sol, riant à s’en tenir les côtes. « Burns, je t’avais demandé de laisser le bizutage en ville ».
« Oui », haleta le grand homme. « Je n’ai tout simplement pas pu résister. Ce chiot est trop parfait ! »
Sam se tourna vers Dawson. « Ne laisse pas Burns t’atteindre », dit-elle. « Malgré toutes les apparences, c’est un homme de terrain. Réfléchis-y à deux fois avant de te laisser convaincre par quoi que ce soit ».
« Oui, capitaine », dit Dawson. Il retira une botte et versa une pinte d’eau de rivière. « Merci, capitaine ».
Sam lui fit un signe de tête. « Mais sérieusement, ne touche pas à Lucille. Si tu le fais, même moi je ne pourrai pas garantir ta sécurité ».
Seuls Sam et les bateliers traversèrent ave Glly. Malgré cela, les vagues déferlaient sur le pont, s’écrasant sur leurs bottes. Lorsque Dawson vit à quel point un seul warjack pesait sur le ferry, il comprit. « Ah ! »
« Ouais », déclara Burns. « Tu as besoin d’un plus gros bateau pour transporter le ‘jack avec le chariot. Maintenant, viens, petit ». Burns monta à bord d’un des canots. Se méfiant d’une autre farce, Dawson le suivit. Avec les autres Cerbères, ils atteignirent la rive opposée bien avant que Sam ne rejoigne la rive avec Gully.
Le reste relevait du travail classique, fourni par des soldats, des mékaniciens, des ingénieurs et des conducteurs travaillant côte à côte. Les garçons travaillèrent avec les hommes jusqu’à ce que les deux ‘jacks soient attachés sur leurs chariots pour le transport. Quatre chevaux de trait tiraient le chariot d’avitaillement, six celui de Foyle et huit celui de Gully. Deux chevaux de selle suivaient le chariot d’avitaillement, l’un sellé, l’autre non. Dawson observait, les sourcils froncés, les conducteurs enlever la selle de l’un et le brosser pendant qu’ils sellaient l’autre.
Sam le surpris en train de regarder. « Parfois, nous devons envoyer un message rapidement ».
« Mais nous n’avons pas de renforts », répondit Dawson.
« Non. Mais il y a toujours une chance que nous nous retrouvions dans un combat que nous ne pouvons pas gagner », déclara Sam. « Quand ce jour viendra, je veux les gens sachent que les Cerbères l’ont affronté avec courage ».
Dawson la regarda, mais son visage ne trahissait aucun signe de gaieté.
À l’exception des mékaniciens, qui chevauchaient avec leurs warjacks, ceux qui ne conduisaient pas se déplaçaient devant, à côté ou derrière le chariot. Même Sam, Lister et Crawley allaient à pied.
Les soldats enroulaient leurs chaînes autour de taquets sur le côté du chariot, leurs haches de démolition pendant en dessous, laissant les deux armes accessibles en cas d’action soudaine. Ils portaient leur sac à dos, les gros flingues dans les bras.
Dawson commença à se déplacer à côté de Burns. Après avoir franchi une petite colline, il se retourna pour dire quelque chose, mais il vit Lisse à sa place. Burns avait trottiné vers un bosquet pour soulager sa vessie.
Lisse passait son rasoir droit sur sa gorge, l’inclinant avec précaution sur l’arête de sa mâchoire. Il essaya la lame contre son bracelet en cuir et sourit aux vêtements mouillés de Dawson. « Je vois que tu as été oint ».
Dawson lui rendit un sourire amusé en retour. Il plissa les yeux, ne remarquant pratiquement aucun poil sur le cou de Lisse. Pourtant, le grand homme continuait à se raser. Dawson finit par demander : « Il nous manque pas un chariot ? »
« Qu’est-ce qui te faire dire ça ? »
« Eh bien, nous sommes censés capturés un ‘jack. Où allons-nous le mettre si nous le trouvons ? »
« Quand » dit Lisse. « Ne laisse pas le capitaine t’entendre dire ‘si’ ».
« Mais où allons-nous le mettre ? »
« Si nous manquons de carburant, nous le placerons dans le chariot à charbon. Si nous avons beaucoup de carburant, nous allumerons Foyle et le ferons marcher jusqu’à ce que nous soyons à court de charbon. Tout est une question d’équilibre ».
Daon hocha la tête. « Bien sûr. Je n’y avais pas pensé ».
« Tu es un chiot, c’est tout », répondit Lisse. Il loucha sur le petit homme. « Tu as déjà vu l’action. N’est-ce pas ? »
« Bien sûr, j’ai fait mon service dans l’armée ordique. J’ai bien aimé ça, mais pas la solde… » Il se frotta les doigts et montra ses mains vides.
« Alors tu t’es dit que tu ferais fortune avec les Cerbères ».
« Quelque chose comme ça ».
« Je parie que tu t’en es voulu pour ça ».
« Non ! Je veux dire, pas vraiment. Il y a beaucoup plus d’exercices que prévu. Et beaucoup plus d’attente. Mais maintenant, je peux lancer un filet et toucher plus souvent qu’à mon tour ».
« Tout ce dont tu dois te soucier, c’est de suivre les ordres. Quand tu n’en as pas, regarde ce que nous faisons. Maintenant que tu as été oint, tu n’auras plus à te faire engueuler… tant que tu n’auras pas les yeux rivés sur les judas ».
Dawson grimaça. « Est-ce que toute la compagnie est au courant ? »
Lisse sourit et le frappa sur l’épaule, juste assez fort pour lui faire un bleu.
* * *
La pluie avait rendu le sol meuble mais pas impraticable. Le train de chariots des Cerbères suivait les chemins de terre quand il le pouvait, traversant une fois un champ en jachère pour atteindre un sentier menant à l’est dans l’Octelande. Lorsqu’il aperçut le fermier local sortant d’une cave, Lister envoya un coureur avec cadeau provenant des provisions pour apaiser toute rancœur.
Au crépuscule, les Cerbères commencèrent à installer le camp sans un mot de leur sergent. Crawley garda son souffle pour haranguer les mékaniciens alors qu’ils vérifiaient et revérifiaient les warjacks et leurs chariots. Lorsqu’il lit ses lunettes sur ses yeux et grimaça pour révéler ses dents en forme de chevilles à travers un souffle de vapeur, Dawson comprit finalement pourquoi l’homme avait gagné le surnom de « Flippant ».
Malgré leur rang et leur rôle dans le cercle intime de Sam, les « garçons » travaillaient côte à côte avec les « hommes ». Dawson s’était retrouvé à nettoyer la boue des roues du chariot de Foyle, en face de Burns. Si le grand homme avait encore des soupçons sur la loyauté de Dawson, il n’en laissa rien paraître.
Lister s’entretenait avec Sam. À tour de rôle, ils regardaient à travers une longue-vue et griffonnaient une carte posée sur le hayon du chariot d’avitaillement. Lisse supervisait la préparation d’un repas composé de porc salé et de pains achetés à Tarna le matin même. Avec un autre homme, il remplit quatre marmites en fer avec de l’orge, des légumes secs et des cubes de bœufs. Ils laissèrent les marmites mijoter jusqu’au petit matin.
Lister envoya des sentinelles en piquet autour des chariots, entre lesquels les Cerbères s’installèrent autour des feux. Burns leur fit part de sa version de « The Roundabout Girl », qu’il avait en quelque sorte rendue encore plus blasphématoire. Dawson hésita à se joindre à eux jusqu’à ce qu’il entende la voix de Sam entonner les refrains les plus vulgaires. Après trois chansons, le capitaine dit « Dormez bien, mes Cerbères ». Quelques minutes après, le camp n’était que silence, à l’exception du crépitement du feu, de la brise d’automne et des ronflements rythmés.
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