LES RENCONTRES DE PENDRAKE
Par Viktor Pendrake (Transcrit par Doug Seacat)
LA MORT DANS LES MARCHES, 3ème PARTIE
Il ne fait aucun doute que les skorne sont une espèce remarquable. J’ai ouvert les yeux : il y a beaucoup à apprendre de ces gens et nous devons les accueillir et nous devons les accueillir sans résistance. Ce n’est qu’en acceptant Vinter Raelthorne, roi légitime de Cygnar que nous embrasserons notre destin. Ce point a été mis en évidence lorsqu’on m’a montré une créature apprivoisée par des skorne, aussi déconcertante que puissante, plus petite et moins puissante que le titan, certainement moins intelligente que le cyclope, mais dotée d’un extraordinaire pouvoir surnaturel. Le terme skorne pour elle n’a pas de sens pour moi, mais je me suis mis à les appeler « basilics », adaptée d’un mot du caspien ancien signifiant « roi des reptiles ». C’est l’espèce la plus impressionnante de cette classification que j’ai rencontrée, se vantant de pouvoir focaliser une terrible vague d’énergie depuis leurs yeux, tuant facilement des créatures de deux fois leur taille et même faisant fondre du métal et brisant pierre ! Les dresseurs skorne ont transformé ces monstres en armes, et je comprends maintenant que nous ne pourrons jamais nous opposer à eux…J’espère que ce message sera transmis à l’un de mes protégés, Lynus Wesselbaum ou Edrea lloryrr, et que quelqu’un pourra déchiffrer l’ancien code militaire par lequel j’ai intégré ce message dans la longue et obséquieuse lettre d’ineptie que j’ai été obligée de composer. Autant cela me fait mal que ce radotage soit mon dernier héritage, j’ai dû prendre le risque de pouvoir relater ce qui s’est passé.
Après ma capture par les skorne, j’étais convaincu que la mort suivrait. J’ai perdu la notions des jours alors que nous nous enfoncions dans le désert balayé par le vent des Marches. J’ai enfin pu observer les Terres des Tempêtes, un phénomène que je ne peux pas accepter comme étant naturel. Les cieux étant fendus par d’incessants éclairs tandis que les nuages tourbillonnaient et bouillonnaient tel un être vivant.
De l’intérieur de ma cage, j’ai observé des hautes tiges métalliques portées par des cyclopes à intervalles tout au long de notre caravane, chacun traînant une fine chaîne À de nombreuses reprises, j’ai vu le foudre s’écraser dans un éclair aveuglant et une explosion sonore pour frapper l’une de ces tiges et se disperser de manière inoffensive.
Je suis gêné de constater que je dormais lorsque nous avons réussi à arriver au refuge, je n’ai donc pas observé l’apparence extérieure de cette fortification. L’étrange météo et ma condition de blessé ont comploté pour me faire délirer, tombant parfois dans une profonde inconscience. Je me suis réveillé pour me retrouver dans une petite cellule de pierre sèche, mes blessures habilement bandées.
Une silhouette entra bientôt dans ma cellule, vêtue d’une étrange tenue et ne ressemblant pas à celles des idriens nomades, portant de longues pèlerines de tissu léger en couches pour couvrir toute la chair, y compris son visage. Jusqu’à ce qu’il enlève ses lourdes lunettes et découvre son visage, je ne pouvais rien juger de lui. À ce stade, j’ai vu un robuste et coriace visage, bronzé par une longue exposition au soleil. J’étais confus de faire face à un humain, pas à un skorne, et je l’ai pas reconnu avant d’avoir entendu sa voix.
« Tiens, tiens, si ce n’est pas mon ancien élève. Vous pensiez peut-être devenu le maître, mais il est clair que nos rôles respectifs sont rétablis. » C’était saxon Orrik, nul autre que le condamnable ranger, autrefois mon supérieur dans l’Armée Cygnaréenne. Un homme que j’avais présumé mort après avoir entendu dire qu’il s’était aventuré vers l’orient, dans les Marches, pour suivre Vinter.
« Je vois que vous avez enfin trouvé un peuple prêt à supporter vos macabres habitudes. Bravo saxon. » Je ne gaspillerai pas une place précieuse dans ce message crypté pour relater l’histoire d’Orrik, celle-ci est bien retracée parmi les documents du tribunal militaire, ni les plaisanteries insultantes que nous avons échangées. Cela ne m’a apporté aucune satisfaction, et pourtant Saxon a manifestement apprécié mon sort.
Il ne pouvait pas résister à l’envie de se réjouir de sa survie dans les Marches, de se vanter de la façon dont il était devenu le singulier maître du terrain désertique, le seul homme ou skorne qui avait cartographié avec précision les étendues des Terres des Tempêtes, et autres vantardises du même genre. Il semblait avoir gagné l’estime des skorne pour cela et pour sa relation avec Vinter Raelthorne, qu’ils ont appelé le Conquérant.
Je ne pouvais pas résister à la harceler sur un sujet en particulier : « J’ai remarqué votre évidente absence lors de l’assaut de Corvis, saxon. Peut-être étiez-vous perdu dans une tempête de sable ? »
Durant un instant, j’ai cru qu’il allait me tuer, ce qui avait, franchement, un attrait morbide. Saxon Orrik avait été expulsé de l’Armée Cygnaréenne pour un certain nombre d’atrocités, dont le traitement cruel des prisonniers capturés. J’avais peu d’espoir de sortir indemne de cette rencontre.
Après avoir repris son sang-froid, Saxon a rétorqué qu’il avait manqué l’attaque de Corvis que parce qu’il avait été chargé de rester à la forteresse et de « s’assurer ce que des renforts avaient traversé. » D’autres cajoleries ont mis à jour le fait que l’attaque de Vinter contre Corvis, il y a trois ans, a échoué parque qu’une seconde armée destinée à renforcer la première n’est jamais arrivée. Le résultat d’une trahison depuis punie. Cela a conduit à d’inquiétantes conclusions sur la taille de l’armée skorne, ce qui est clairement l’intention de Saxon.
Une fois qu’il en eut assez, il m’a sorti de ma cellule pour que je puisse supporter une diatribe pendant que nous inspections un énorme centre d’entraînement de la forteresse, et que l’on me montrait plusieurs inquiétantes créatures que les skorne asservissait et conditionnait à leurs services. Je vais annexer des notes abrégées de ces derniers et de ce que j’ai observé, bien que je n’aie jamais pu avoir une idée complète de l’installation, clairement énorme. Plus inquiétante encore était l’impression que l’armée principale avait déjà été envoyée. Si Saxon avait espéré m’impressionner, je dois admettre qu’il a réussi.
Même pour Saxon, cette démonstration semblait une indulgence, et lorsque je lui ai demandé pourquoi il s’était donné la peine, il m’a traîné dans une grande salle. Je pouvais voir un sourire déformé familier sur ses lèvres alors qu’il me jetait aux pieds d’un grand trône. J’ai levé les yeux vers un visage, que j’ai immédiatement reconnu, malgré les rides, les cheveux plus gris et une particulière armure étrangère : Vinter Raelthorne IV, ex-roi de Cygnar, maintenant Conquérant de l’Empire Skorne. Saxon m’a saisi le cou et m’a forcé à me prosterner. Je n’étais pas en état de résister et j’ai beaucoup souffert avant qu’on me permette de me lever, haletant, en position assise.
« Tuez-moi s’il le faut », ai-je dit, avec plus de fatigue que de bravade, « mais j’ai entendu suffisamment de discours aujourd’hui. »
Vinter est décrit comme un tyran sans humour, et je savais qu’il avait tué beaucoup d’hommes pour moins. Il s’est plutôt adressé à Saxon. « Il n’a pas l’air de grand-chose. Par sa réputation, j’attendais quelqu’un … de plus grand. »
Saxon ricana. « Sa réputation a toujours dépassé son talent. C’est un espion, et il devrait être exécuté. »
Vinter fit un signe de tête. « Oui, mais il a peut-être son utilité. Il est rare que nous soyons honorés d’une éducation aussi approfondie. » Son ton traduisait le mépris et le rejet. « Toi, esclave ! »
Il m’a dit cela, mais le terme était si offensant que j’ai été frappé de stupeur, clignant stupidement des yeux. Il a continué comme si c’était la bonne réponse. « Tu es choisi pour être gratifiés d’une grave responsabilité et d’un grand honneur. Je te demande d’immortaliser mes œuvres, de décrire et détailler mon empire. Tu iras à l’est et tu feras la chronique de ce qu’aucun autre homme n’a vu. »
J’ai réfléchi à ces mots, et l’impact de cette déclaration m’est tombé dessus. Pourtant, je ne pouvais pas la digérer, car elle me semblait trop absurde. « Pourquoi ferais-je cette chose ? » J’ai osé demander.
« Tu feras ce que je t’ordonne, ou tu mourras. Pas rapidement, ni sans douleur. » Cela a été prononcé sans malice, comme si ma vie ne comptait pas plus pour lui qu’un poisson accroché à un hameçon.
Je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’oeil à Saxon, et vis son visage rouge et mécontent ; il ne s’attendait manifestement pas à ce qu’on me donne une autre chance d’échapper à la mort. Une chance que je pourrais encore regretter d’avoir saisi.
Mon audience pris fin, Vinter a proposé à Saxon de me ramener dans ma cellule, là pour écrire la lettre de pablum dans laquelle j’ai codé ce message. Saxon verra sans doute ma lettre perfide délivrée, car il aime l’idée de dévaloriser ma réputation de cette façon.
Je m’aventure maintenant dans l’Immoren oriental. Mon rêve d’explorer un continent inconnu a été réalisé par le patronage forcé de ce qui pourrait être le plus grand ennemi de notre royaume. J’ai peur de ne jamais revenir ; Vinter finira par m’exécuter. D’autres devront continuer mon travail, car mon destin n’est pas mien. Souvenez-vous de moi.
~VP